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Félix Vallotton

La Jungfrau, 1892
gravure sur bois
14.5 x 25.5 cm
Pendant dix ans – de 1891 à 1901 – , Félix Vallotton se consacre presque exclusivement à l’estampe, ce qui lui vaut une renommée internationale. Ses bois gravés illustrent principalement la vie parisienne des années 1890, décrite avec verve et humour. Audacieux dans ses compositions, il crée des motifs très simplifiés pour atteindre des effets saisissants, toujours en noir et blanc. Proche des recherches de l’avant-garde française – le post-impressionnisme, l’Art nouveau, les Nabis – , il élimine les ombres nuancées et les détails excessifs au profit de formes concises et de contrastes tranchés.

Vallotton croque les drames quotidiens de l’existence, tant politiques et sociaux qu’intimes. Entre 1892 et 1896, de nombreuses scènes de rue voient le jour. La Charge (Collection Pictet) témoigne de l’agitation sociale à Paris dans les années 1890. Dans un cadrage serré, où seule la présence de personnages construit un espace tridimensionnel, le premier plan offre la vision d’une foule policière compacte. La masse humaine d’un noir profond se découpe sur la chaussée immaculée. Ce contraste graphique accentue l’opposition entre manifestants et force de l’ordre. Tout participe à l’impression d’écrasement et de répression. Tant dans le choix du sujet que dans sa représentation, on devine l’engagement politique et les sympathies anarchistes de Vallotton.

Dans la série de gravures intitulée Les Intimités, il observe d’un regard désillusionné la relation amoureuse. Des couples aux attitudes éloquentes évoluent dans des intérieurs bourgeois construits comme les décors de théâtre où se jouent cruauté, tromperies, hypocrisie et ridicule. Dans L’éclat (Collection Pictet), Vallotton capte le moment furtif d’une tension amoureuse. Un homme, sourcils froncés, air sévère, désigne une lettre, sans doute compromettante, à sa compagne. Les formes schématiques et pourtant incisives contribuent à distiller une atmosphère d’inconfort.

Enfin, le paysage alpin est l’un des thèmes majeurs développés par Vallotton dans ses xylographies. Le Cervin, Le Breithorn, Le Glacier du Rhône et Le Mont-Blanc (Collection Pictet) font partie d’une série de six gravures datées de 1892 représentant des montagnes suisses. L’influence de l’estampe japonaise est ici notable. Avec une remarquable économie de moyen, il crée une ambiance visuelle forte et parvient à faire exister une neige éclatante qui fond sous un soleil noir et pourtant irradiant de lumière.
Félix Vallotton, La Jungfrau, 1892, 1918