Lokis II et Lokis VI, curieuses créatures dont le profil d’ours n’apparaît pas automatiquement au premier coup d’œil, investissent l’espace d’un amusant pas de deux.

Le travail de Denis Savary traduit ici force et gaieté dans une proximité des plus inoffensives. Aux postures anthropomorphes, l’un debout sur ses pattes de derrière, l’autre en équilibre, les deux interprètes de cette chorégraphie imaginaire saluent le visiteur de leurs mouvements enjoués et remplis d’allégresse. De la banquise, Savary a gardé les couleurs pâles pour mieux laisser la lumière les habiter.

Parmi les nombreuses références à l’origine de la série Lokis, retenons la plus fameuse, la représentation de l’ours dansant dans la sculpture inuit. Fréquemment sur un pied, le corps incliné, dans une position pleine d’entrain et de courte stabilité, cette danse instinctive de l’animal exalte la joie de vivre dans la culture inuit. Quant au titre, Lokis, il fait référence à une nouvelle fantastique de Prosper Mérimée de 1869 dont l’histoire évoque la vie d’un homme né d’une femme et d’un ours.

Matérialisés dans la fibre de verre, à l’apparence d’une peau, d’un vêtement ou encore d’un masque, les ours de Savary, conçus à l’échelle humaine, reflètent ici transparence et légèreté. La série Lokis rappelle la place centrale que la figure animale occupe dans la création artistique de Denis Savary, ainsi que le recours à la référence érudite comme base omniprésente de sa démarche. Des cultures populaires ou savantes, son langage, toujours très inventif, multiplie les associations pour faire dialoguer l’ancien et le contemporain.