Deux panneaux de bois lisses et blancs tiennent lieu de scène neutre sur laquelle évolue une peinture à l’huile en pleine effervescence. Chez Pia Fries, la matière picturale se convertit en protagoniste principale de ses œuvres. Souvent appliquée directement sur le support, sans pinceau, aussitôt sortie du tube, la peinture prolifère, se répand, coagule, et gagne du relief jusqu’à devenir sculpturale en séchant. Fries utilise divers outils afin d’imprégner cette pâte colorée de saillies, de striures, de replis mais aussi de creux et de transparences.

Les traces de ces gestes s’inscrivent dans la couleur comme autant de témoignages d’une rencontre physique entre l’artiste et la substance. La composition naît d’un mélange de décisions conscientes et délibérées et de suites d’accidents et d’interventions non préméditées. Ainsi, une peinture plus spontanée se superpose à des motifs sérigraphiés sur le support de bois. Par cette présence simultanée de deux techniques, l’œuvre oscille entre une représentation bidimensionnelle et une réalité concrète. Cette juxtaposition permet d’atteindre de nouveaux effets visuels et de jouer avec les épaisseurs. La matière qui émerge semble se tordre sur elle-même et s’enrouler en d’infinis mouvements de décomposition puis recomposition. Le dynamisme de ces volutes et contorsions est encore renforcé par le léger déséquilibre des deux panneaux de tailles inégales.

Les formes abstraites qui surgissent et s’entremêlent dans ce magma bigarré évoquent l’image d’une nature en perpétuelle mutation. Les couleurs à la fois vives, chaudes et terreuses suggèrent l’idée de végétation, de roche fossilisée. À mi-chemin entre la peinture et le bas-relief, le diptyque Ohriss décrit à la fois les plissements d’un tissu et les sédimentations géologiques. Comme toutes les peintures de Pia Fries, Ohriss procure une impression de nouveauté et de fraîcheur comme s’il avait été achevé à l’instant même. Libérée des contraintes et des conventions, Fries met en lumière la force élémentaire de la peinture.