En écho aux pensées d’Ernst Mach, physicien autrichien qui a tenté de décrypter le principe du miroir, Markus Raetz a développé des œuvres qui reproduisent des phénomènes semblables à ceux du miroir ou qui intègrent l’objet lui-même.

Avec Kopfdraht (Fil de tête), la tête dessinée par un contour en fil de fer opère un renversement vertical progressif au rythme de la circulation horizontale du spectateur autour d’elle. Arrivé de l’autre côté, ce dernier découvre une figure identique mais disposée à l’envers. À partir de deux silhouettes de profil, Raetz façonne son fil de fer en suivant les courbes des visages, reliés entre eux et placés dans un sens opposé.

Le modèle de la tête est emprunté à Piero della Francesca, portrait repris par Raetz en 1992 avec Kopf I, un relief en ronde-bosse. Ici, le résultat, pourtant sculptural, s’appréhende comme un dessin tracé librement dans l’espace. Dans ses contours en continu, il reflète l’idée d’un flux de formes, à la fois réelles et abstraites, qui s’enchevêtrent dans une métamorphose perpétuelle.

Raetz met en lumière les zones abstraites qui affleurent dans les interstices du réel, tout en soulignant l’importance du point de vue pour la perception d’un objet. L’aptitude à voir et reconnaître des figures dépend de l’implication active du regardeur et de l’acuité de sa mémoire, qui conditionne la formation de l’image, l’identification d’une forme n’étant possible que dans un rapport avec des images connues.

Jean-Hubert Martin dit de Raetz: « À force d’expérimentations empiriques, il a élaboré un monde de dessins et d’objets qui contribuent tous à jeter un doute sur les certitudes visuelles qui assurent notre quotidien. […] L’anamorphose connaît grâce à lui ses plus extravagantes transpositions en sculpture. Très peu d’artistes de sa génération ont su comme lui traduire en formes neuves des idées complexes sur la perception et les répercussions qu’elles ont sur notre interprétation du monde. »