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Christian Marclay

Armoire, 1988
bois teinté
182.9 x 81.3 x 53.3 cm
L’Armoire de Christian Marclay s’inscrit parfaitement dans la démarche artistique de ce plasticien sonore qui explore inlassablement dans sa pratique les connections entre le visuel et l’audible. Depuis plus de trente ans, il donne naissance à des œuvres dans lesquelles ces deux expériences sensorielles distinctes s’enrichissent et se défient mutuellement. Rare sculpture au sein de sa production, cet objet n’est autre qu’une armoire en bois teinté, probablement chinée au détour d’un marché ou d’un vide-grenier, si l’on considère le penchant naturel de l’artiste pour la récupération d’objets anciens.

À la fois collectionneur et compositeur, Marclay se plaît depuis toujours à intégrer ses trouvailles – qu’elles soient matérielles ou techniques – à son processus créatif. Il se les approprie pour leur insuffler une vie nouvelle. Ce meuble domestique a priori banal accueille ainsi un ajout singulier, à savoir deux grandes ouvertures en forme d’ouïes, soigneusement découpées par l’artiste dans le panneau de porte. Leur présence, ainsi que le matériau même de l’objet, nous rappelle sans équivoque possible l’instrument à cordes et, par extension, ses nombreuses représentations visuelles.

Multipliant comme à son habitude les références, Christian Marclay y fait ouvertement allusion à la célèbre photographie de Kiki de Montparnasse, entre femme et violoncelle, vue de dos, par Man Ray (Le Violon d’Ingres, 1924), elle-même inspirée de la peinture orientalisante Le Bain turc (1863) de Jean Auguste Dominique Ingres. Contrairement à l’installation Étant donnés (1946-1966) de Marcel Duchamp et à sa composante voyeuriste, il n’y a rien à voir derrière ces ouvertures qui convoquent une obsession moins visuelle que sonore.

Pourtant, dépourvu de cordes, l’instrument créé par Marclay ne peut être joué. Assimilé à une simple caisse de résonance, il invite à imaginer, au-delà du silence perceptible, une large palette de sonorités possibles pour celui qui tend l’oreille et sait écouter. De façon encore plus discrète que dans ses nombreuses onomatopées muettes, l’artiste parvient ici, par la simple force d’un motif visuel familier, à rendre tangible l’absence du son, sujet clé de son œuvre.
Christian Marclay, Armoire, 1988