La série On the Edges of Paradise (2005-2006) cible Istanbul et ses « gated communities » ou « communautés clôturées ». L’observation des nouvelles banlieues turques s’avère très complexe, car elle met en lumière un concept de l’identité et de l’appartenance à la communauté fortement ancré dans la culture ottomane, les « mahalle », ainsi qu'un type spécifique de logements qui émerge en Turquie dans les années 1970 et qui est conçu pour « les autres » : les familles des militaires ou les étrangers.

Les nombreuses « gated communities » que Bonvin documente ont fleuri dans la périphérie d’Istanbul depuis le début des années 2000. Sa démarche explore les différents aspects d’un modèle et style de vie qui a émergé dans certaines banlieues américaines à la fin des années 1950. Dans ces résidences à l’apparence idyllique – rappelant celles des séries télévisées ou du film The Truman Show – les espaces sont privatisés, murés et surveillés pour garantir un mode de vie clame et homogène du point de vue social et culturel.

Pour la photographe suisse, le caractère aseptique de ces lieux contraste avec l’intensité de la vie réelle et dévoile, en conséquence, un haut degré d’artificialité, de décalage et de théâtralité, « […] comme si la réalité était construite d’après une image, d’après un modèle de la cité idéale ». La transposition forcée d’un mode de vie étranger et générique dans un contexte culturel et urbain complètement différent fonctionne ainsi ironiquement, mettant en avant le prix à payer pour une petite existence parfaite, aux confins du paradis.