Au cours de son exploration des cultures visuelles et sonores, Christian Marclay recourt régulièrement à la photographie, médium qui occupe une place constante dans sa pratique. Que ce soit à travers des photos prises par des inconnus et trouvées au marché aux puces ou en effectuant lui-même des clichés rapides (snapshot), Marclay compose une inépuisable archive d’images qui ont toutes un lien avec le son.

Il s’intéresse également à des techniques photographiques anciennes et peu usitées, comme le photogramme et le cyanotype. Ces procédés directs de reproduction exposent sans intermédiaire les objets à la lumière, si bien que leurs contours et leurs ombres s’inscrivent sur le papier photosensible avec divers degrés de densité. Développés dans les années 1840, ils ont connu une célébrité renouvelée grâce à Man Ray ou László Moholy-Nagy autour des années 1920. Marclay se réapproprie à son tour ces techniques obsolètes pour fixer l’image de supports d’enregistrements sonores eux-mêmes en voie de disparition, comme le disque vinyle ou la cassette audio. Il capture ainsi la vulnérabilité d’un médium au moyen d’un procédé finalement à peine moins fragile car lui aussi voué à la désuétude.

Dans Memento (Hüsker Dü), les bandes magnétiques de différentes cassettes se sont imprimées en négatif sur le fond bleu cyan caractéristique du cyanotype. Ces entrelacements de bandes en transparence dessinent une interprétation visuelle de la musique tandis que leur forme serpentine ajoute un aspect dansant à l’ensemble tout en évoquant également la drip painting. Le titre fait référence au nom du groupe de punk rock et signifie en norvégien « te souviens-tu ? », qui sonne comme un écho aux préoccupations plastiques de Marclay et à sa volonté d’exprimer le temps qui passe. Pour former les entrelacs magnétiques de son cyanotype, Marclay a déroulé une cassette sur laquelle est enregistrée la musique du groupe Hüsker Dü.