Sorry, you need to enable JavaScript to visit this website.

Hannah Villiger

Sculptural, 1984-1985
polaroid agrandi, tirage C-print contrecollé sur aluminium
123.0 x 125.0 cm
Isolée dans son studio, tenant l’appareil Polaroïd à bout de bras, Hannah Villiger photographie son corps. Fragments, articulations et entrelacements de chair et de peau sont l’objet d’un cadrage serré, déterminé par l’extension de son bras. En rupture avec la tradition romantique des photographies de nus féminins, elle sculpte et ausculte ce corps, tel un matériau brut dont elle ôte affect et émotions, pour n’en retenir que le volume et les contours, en dehors de toute volonté de séduire.

Ces Polaroïds sont nommés Skulptural, référence à la nature plastique des volumes observés et mis en lumière. Il ne s’agit pas de s’interroger sur l’identité d’une personne, mais de s’immerger, presque physiquement, dans une composition remplie de cavités et de reliefs, traversée de lignes et de courbes. La logique du corps est alors questionnée par ces enchevêtrements complexes. Dans la brume du grain photographique, est-il encore possible de reconnaître une oreille (Skulptural, 1986) devenue monumentale ? Le pourtour de ce sujet aussi sensible que sensuel est à peine suggéré, il n’en subsiste que les formes sinueuses se profilant entre ombres et lumières.

Les flous, la lumière blanche du flash, les contrastes de clair-obscur propres au Polaroïd deviennent des caractéristiques esthétiques du travail de Villiger. Elle confesse vouloir « étirer l’image jusqu’à lui donner sa lisibilité interne autonome. Les énergies intérieures se déploient d’elles-mêmes, et non plus par allusion au monde.» Ainsi, la main qui empoigne une cheville (Skulptural, 1984-1985) flotte dans un espace indéfinissable: échappant à la gravité, elle défie la perception habituelle du corps. Parfois, Villiger détourne exceptionnellement l’objectif d’elle-même, pour capter le hors-champ et s’échapper momentanément vers l’extérieur afin d’attraper les seules vues accessibles depuis son atelier : une rue, un arbre (Baum, 1984-1985) ou un immeuble. À l’instar de son travail sur le corps, c’est un regard subjectif qui saisit ce paysage urbain à l’horizon renversé.
Hannah Villiger, Sculptural, Sculptural, 1984-1985