Les encres sur papier de Pierrette Bloch nous plongent dans une abstraction lyrique et sensorielle délivrée à travers une grande économie de moyens. Les taches et les traces d’encre noire, qui constituent l’essentiel de son répertoire graphique, évoluent sur le papier immaculé dans une répétition scandée par un geste à la fois fluide et régulier, tandis que la touche expressive, incarnée, ne cesse de renouveler les propositions de l’artiste.

Qu’elles soient presque diaphanes ou plus soutenues, ces empreintes semblent flotter sur le support et composent une déclinaison à l’infini de signes indéchiffrables qui se déploient en une chorégraphie mystérieuse. Jouant sur des variations presque imperceptibles de tonalité et de rythme, l’artiste questionne subtilement notre rapport à l’espace, au temps et au mouvement. Loin d’être contrôlé ou automatique, le geste minimal suit une respiration qui impose son propre tempo et donne corps à la trame subtile, presque musicale, d’une lente dérivation.

Humble et silencieuse, la démarche de Pierrette Bloch s’apparente à une pratique proche de l’écriture, une écriture qui ne relève toutefois d’aucune procédure narrative, d’aucune progression chronologique ou argumentaire. Profondément inédite, son œuvre s’éloigne volontairement de nos habitudes visuelles et se tient à l’écart de tout système référentiel, de toutes catégories esthétiques, donnant ainsi corps à une prose d’une grande liberté.

Fruit d’un développement lent et linéaire, l’œuvre de Pierrette Bloch possède l’inventivité et la justesse d’un langage instinctif, en perpétuel devenir: «Commencé il y a longtemps, mon travail s’inscrit dans une continuité, rythmée de haut et de bas, mais inextinguible, le temps et les souvenirs s’y déroulent avec l’évidence et la certitude de leur linéarité. Ma première exposition date de 1951, et il me semble que j’écris une histoire, qui ne s’achève pas.» P. B.