Sans jamais préméditer ses sujets, Louis Soutter s’en remet à l’initiative de la ligne, aux effets aléatoires des superpositions des trames, au hasard d’une tache qui surviendrait sur le papier. « Tous les procédés lui sont bons […], depuis l’encre bleue vendue dans le village où il réside jusqu’aux épais vernis de carrosserie » , explique René Auberjonois. Autant de moyens qui lui permettent de se délester de sa formation académique avec une liberté d’expression rare.
Les Trois Filles (recto), Trois têtes (verso) sont nées de la répétition obstinée du trait croisé, strié ou superposé qui recouvre toute la surface du papier, pratique caractéristique de sa période dite maniériste (1930-1936). Souvent à court de matériel pour dessiner, Soutter utilise, comme ici, chaque côté de la feuille. S’affranchissant des normes figuratives, il exprime par le dessin une profonde souffrance, dont la tension entre les noirs et les blancs se fait l’écho. Au recto, trois figures féminines sont en suspension dans un espace sans perspective. Chacune représente une attitude possible ou fantasmée : séductrice, introvertie, ou l’air hagard. Entre femme intimidante et jeune fille inhibée, aucune harmonie ne semble pouvoir advenir.
« Je fus ébloui par son travail immense, intense, obsédant et obsédé », raconte son cousin Le Corbusier qui tente de faire connaître ses dessins à Paris et aux États-Unis. En 1936, il le décrit ainsi : « Il a appris à regarder en dedans. Par lui, nous pouvons regarder dedans un homme. Un homme racé, cultivé, ayant passé par tous les luxes de l’argent et d’une vie intelligente. Et qui aujourd’hui, remontant du réfectoire triste, couvre chaque jour, à soixante-cinq ans, un papier blanc de ces âpres, fortes et admirables compositions. » Entouré et encouragé par un petit cercle d’amis, tels que René Auberjonois, Le Corbusier, Jean Giono et Charles Ferdinand Ramuz, Soutter bénéficie de quelques rares échanges et regards extérieurs sur son œuvre, malgré son internement.
Les Trois Filles (recto), Trois têtes (verso) sont nées de la répétition obstinée du trait croisé, strié ou superposé qui recouvre toute la surface du papier, pratique caractéristique de sa période dite maniériste (1930-1936). Souvent à court de matériel pour dessiner, Soutter utilise, comme ici, chaque côté de la feuille. S’affranchissant des normes figuratives, il exprime par le dessin une profonde souffrance, dont la tension entre les noirs et les blancs se fait l’écho. Au recto, trois figures féminines sont en suspension dans un espace sans perspective. Chacune représente une attitude possible ou fantasmée : séductrice, introvertie, ou l’air hagard. Entre femme intimidante et jeune fille inhibée, aucune harmonie ne semble pouvoir advenir.
« Je fus ébloui par son travail immense, intense, obsédant et obsédé », raconte son cousin Le Corbusier qui tente de faire connaître ses dessins à Paris et aux États-Unis. En 1936, il le décrit ainsi : « Il a appris à regarder en dedans. Par lui, nous pouvons regarder dedans un homme. Un homme racé, cultivé, ayant passé par tous les luxes de l’argent et d’une vie intelligente. Et qui aujourd’hui, remontant du réfectoire triste, couvre chaque jour, à soixante-cinq ans, un papier blanc de ces âpres, fortes et admirables compositions. » Entouré et encouragé par un petit cercle d’amis, tels que René Auberjonois, Le Corbusier, Jean Giono et Charles Ferdinand Ramuz, Soutter bénéficie de quelques rares échanges et regards extérieurs sur son œuvre, malgré son internement.