Indépendamment de leur iconographie, les travaux de Jules Spinatsch reflètent continuellement l’intérêt de l’artiste pour les conditions de création des images, ainsi que leur réception. Pour le projet Welcome to Photostudio Titlis, l’artiste réutilise des portraits souvenirs de touristes de passage, réalisés par Tony Camenzind dans son studio photographique professionnel situé au sommet du Mont-Titlis à Engelberg, dans les Alpes suisses.

Accessoires, décor et costumes représentatifs des différentes régions helvètes composent le tableau folklorique et stéréotypé d’un pays aux montagnes idylliques. Qu’ils soient indiens, chinois, sud-américains, israéliens ou saoudiens, et de confessions religieuses variées, les voyageurs en quête de souvenirs endossent tous l’identité helvète le temps d’une prise de vue, dressant ensemble une représentation aussi multiethnique qu’anonyme de la Suisse.

En se servant de photographies dont il n’est en premier lieu pas l’auteur, Spinatsch s’approprie certains codes du tourisme pour les déplacer dans le champ de l’art et pointer les questions d’appartenance culturelle, d’autoreprésentation et de construction des identités. Sans directement remettre en question la notion de paternité de l’œuvre, cette décontextualisation vise plutôt à ébranler les frontières entre art et culture populaire.

Agrandies et présentées de manière sérielle selon un dispositif muséographique auquel elles n’étaient point destinées au départ, les images perdent à la fois leur caractère privé et leur fonction mémorielle afin de dessiner un portrait décalé de notre société globalisée. Ce projet particulier présente le travail de Spinatsch comme une critique dialectique des arts visuels, dont l’intérêt ne réside pas dans l’expression personnelle de l’artiste, mais dans l’emploi du médium photographique comme moyen de participer activement aux processus sociaux en cours.