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Franz Gertsch

Cima del Mar , 1990
gravure sur bois imprimée sur papier japon Kumohadamashi fabriqué par Heizaburo Iwano
170.0 x 152.0 cm
Cima del Mar et Gräser II sont deux impressions résultant du procédé de xylogravure, privilégié par Franz Gertsch à partir de 1986. L’artiste bernois réactualise sous un angle inédit la technique ancestrale du piquage qui consiste à darder la plaque de bois de minimes incisions constituées en un réseau plus ou moins dense, afin de faire apparaître le sujet par soustraction progressive de la matière. L’artiste travaille dans l’obscurité à partir d’une image photographique projetée sur une fine plaque de bois préalablement peinte d’une couleur soutenue, de manière à rendre visible la naissance du motif.

L’entreprise qui conduit à l’édition d’immenses feuilles de papier japonais spécialement confectionnées par un maître de Kyoto, Ivano Heizaburo, revêt un caractère exceptionnel. Elle nécessite en effet plusieurs mois de travail sur le bois qui se prolongent dans un processus d’impression manuel, tout aussi long et minutieux. Chacune des deux xylogravures représente ici un extrait de nature dans un cadrage serré, attirant l’œil sur les détails de la composition. Rivière, cailloux et végétation occupent l’espace d’abord gravé dans le bois avant d’être fixé sur papier. La réduction du motif et de la narration laisse place à une intense contemplation. Chaque impression est tirée dans une teinte unique, composée d’une à deux couleurs.

Ici, la photographie ne représente que le point de départ du processus de création tandis que la technique même de la xylogravure rompt avec l’idée d’instantanéité. Gräser II et Cima del Mar renvoient au spectateur l’image d’une image dans laquelle est incarné le temps du travail nécessaire à leur réalisation. Disséqué en une myriade d’entailles minuscules, l’artiste dématérialise ainsi le sujet comme objet et repousse la résistance du motif contre l’abstraction. Franz Gertsch ne s’est jamais contenté de reproduire simplement la nature; au contraire, son approche tente d’attirer le regard sur une nouvelle réalité. En rendant le détail aussi monumental, l’artiste capte le temps dans l’instant et offre une interprétation picturale invitant à la méditation. C’est par la transgression de la temporalité que l’œuvre gravé de Gertsch offre un sentiment d’universalité. À l’ère de la reproductibilité technique, l’artiste restaure l’aura perdue annoncée par Walter Benjamin en 1936.
Franz Gertsch, Cima del Mar , 1990