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Latifa Echakhch

There's tears / His statement came at the end of a detailed 50 minute account, 2015
papier journal 52 grammes vierge marouflé sur toile, encre, cadre en bois
206.0 x 156.0 x 4.5 cm
Dans le travail de Latifa Echakhch, l'encre apparaît de façon récurrente et sous diverses formes: solidifiée dans des chapeaux qui semblent abandonnés, absorbée par de grandes toiles brutes, déversée sur des tondi depuis le plafond de l’atelier ou encore délavée à l’aide d’alcool à brûler. Pour la série There’s Tears, réalisée en 2015, l’artiste a mélangé des encres industrielles utilisées pour l’imprimerie afin d’obtenir un jus gris et légèrement rosé qu’elle a versé sur des toiles préalablement recouvertes de feuilles de papier journal. La capacité de l’encre à transmettre un message rationnel est remplacée par un autre type d’expressivité, non verbale, comme si le texte, ainsi rendu illisible, avait été dilué dans les larmes.

Telle une conteuse, Echakhch s’attelle à atteindre un équilibre juste entre la forme, la technique et le message qu’elle souhaite transmettre. Comme dans la plupart de ses travaux, la neutralité apparente d'une approche minimale implose par la simple utilisation d’un objet imprégné d’une charge sociologique et culturelle. Ici, l’acte délibéré de l’effacement et la dissolution de l’écriture dissimulent ce qui semble être une réaction au contenu douloureux des nouvelles auquel nous sommes constamment soumis par la presse quotidienne, ainsi que le désir de le supprimer par un moyen ou par un autre.

À travers un geste qui est à la fois poétique et conceptuel, l’artiste rend ainsi matérielle l'indifférence dans laquelle la surinformation incessante de notre époque numérique s’écoule inlassablement, disparaissant elle-même dans le néant. Elle nous confronte à une réalité sensorielle qui n’est plus contrôlée par la raison, et donc tragiquement crue. La disparition du sens déplace la mémoire vers une dimension intemporelle et provoque un sentiment étrange de deuil, d’une inévitable ambivalence, qui oscille entre colère, tristesse, résignation et espoir.
Latifa Echakhch, There's tears / His statement came at the end of a detailed 50 minute account, 2015