L’histoire de l’Art brut est intimement liée à celle de l’artiste français Jean Dubuffet qui entreprend en 1945, en Suisse, son premier voyage de prospection au sein des établissements publics pour la santé mentale. Nouant des contacts avec des médecins, mais aussi avec des écrivains et des artistes, Dubuffet prend conscience d’un autre type de pratique créative, qui semble échapper à tout académisme : celle des marginaux, des réprouvés, des rebelles, mis à l’écart par la société. Les productions de ces autodidactes « indemnes de culture artistique » (Jean Dubuffet, 1949) témoignent d’une spontanéité et d’une liberté extrêmes, d’une certaine sauvagerie qui se nourrit des pulsions humaines les plus profondes et les plus pures.
Contrairement à l’Art naïf, qu’on doit également aux autodidactes, l’Art brut n’aspire pas à une consécration institutionnelle et, par conséquent, ne cherche pas à réitérer des sujets et des genres consacrés. Les travaux d’Adolf Wölfli (1864-1930) attestent l’absence de tout mimétisme académique et de tout désir de s’inscrire dans l’histoire officielle de l’art. Malgré le fait d’avoir été considéré par André Breton comme l’un des trois artistes les plus importants du XXe siècle, Wölfli ne produit pas ses œuvres pour le regard d’autrui. Elles restent des questionnements intimes, impulsifs et imprévisibles, s’articulant selon leur logique propre et dévoilant des processus et des moyens de création inédits.
C’est un point commun avec les travaux du peintre et dessinateur Louis Soutter (1871-1942). Durant ses dix-neuf ans de retrait forcé dans un asile à Ballaigues, Soutter a réalisé plus de deux mille huit cents œuvres d’un genre unique. Cependant, contrairement aux artistes de l’Art brut, Soutter a bénéficié d’une formation artistique, étant pleinement conscient de l’art de son temps et de celui du passé. À présent, son œuvre reste associée à l’Art brut, même si elle anticipe le tachisme et l’art informel d’après-guerre.