Le 27 octobre 1960, neuf artistes se retrouvent dans l’appartement d’Yves Klein à Paris afin de signer une déclaration commune qui proclame la mort de la peinture de chevalet et défend « la passionnante aventure du réel perçu en soi1 ».
C’est le moment de rendre officiel ce que le critique d’art Pierre Restany initie au mois de mai à la galerie Apollinaire à Milan, avec la première exposition des « Nouveaux Réalistes ». Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Yves Klein, Jean Tinguely (1925-1991) et Jacques Villeglé exposent ensemble, mais ne partagent pas un style commun. Ce qui les relie, aux yeux de Restany, est plutôt une « singularité collective ».
Tout comme Daniel Spoerri (1930) et Martial Raysse, qui participeront également à la soirée de Klein à l’invitation de Tinguely et d’Arman, ces artistes manifestent un intérêt particulier pour le réel, qu’ils cherchent à saisir directement, sans aucun détournement. Ils empruntent à l’environnent quotidien des objets triviaux qu’ils intègrent aussitôt à leur œuvre au détriment des techniques picturales et sculpturales classiques.
Les nouveaux réalistes – auxquels s’ajoutent César, Mimmo Rotella, puis Niki de Saint Phalle (1930-2002) et Gérard Deschamps – se rapprochent ainsi du dadaïsme et de la pratique de prélèvement des objets quotidiens, initiée par les ready-mades de Marcel Duchamp. Néanmoins, ils restent À 40° au-dessus de Dada, comme le suggère leur première exposition collective à Paris en mai 1961. Leur « évidente et inexorable finalité » est de poser « un regard neuf sur le monde2 », de rendre compte de la nouvelle société urbaine de consommation en art, de même que le Nouveau Roman le fait en littérature et la Nouvelle Vague au cinéma.
À l’instar des artistes du Pop Art, les Nouveaux Réalistes font preuve d’une grande inventivité dans leur expérience du réel, surtout au niveau des techniques d’expression, allant jusqu’à des machines à peindre (Tinguely), des tableaux-pièges captant un instant de la réalité (Spoerri), des peintures au pistolet et des collages monumentaux (Niki de Saint Phalle).
Même si le groupe arrête ses expositions collectives en 1963, il continue à influencer un grand nombre d’artistes, dont Ben Vautier (1935) qui bascule l’œuvre d’art – avec ses messages peints sur des petites toiles noires – dans un univers ordinaire, commercial, accessible à tous.