Dans un contexte artistique où domine encore une inégalité historique des sexes, la Collection Pictet – en tant que collection d’entreprise privée, libre de ses choix d’acquisition – est consciente de sa responsabilité dans le soutien de l’intérêt porté aux artistes femmes de talent et de son pouvoir d’influencer à terme leur trajectoire. Faisant figure d’exemple, elle contribue ainsi, même modestement, à œuvrer pour la reconnaissance des femmes dans le monde de l’art.
La Collection Pictet représente différentes générations de femmes artistes. Alice Bailly (1872-1938) figure parmi les femmes pionnières qui décident d’embrasser une carrière artistique au début du XXe siècle. Son talent est immédiatement reconnu et ses envois aux Salons parisiens en 1912 sont salués avec enthousiasme par Guillaume Apollinaire. Proche des avant-gardes, son œuvre picturale se distingue par un style singulier qui s’inscrit avec musicalité dans la mouvance du cubo-futurisme. Ayant à cœur sa condition de femme, elle défend très tôt l’idée que « l’art n’est pas une affaire de jupon et de pantalon ».
Poétesse, peintre, muse surréaliste, personnalité fascinante et insaisissable, Meret Oppenheim (1913-1985) occupe une place à part dans le paysage artistique du XXe siècle. Si sa présence magnétique sur des photographies de Man Ray (1933) en fait l’égérie de toute une génération, son iconique Déjeuner en fourrure (1936) la proclame comme artiste à part entière. Sa vie et sa création sont marquées par son intérêt pour les rêves et les méandres de l’inconscient. Son indépendance d’esprit et sa liberté de ton résonnent encore aujourd’hui auprès des nouvelles générations d’artistes.
Les peintures, les sculptures et les films de Niki de Saint Phalle (1930-2002) activent de manière ludique de nombreuses références culturelles et autobiographiques, tout en questionnant la condition de la femme dans le monde d’aujourd’hui. Sa série des Tirs, qui lui confère la notoriété dans les années 1960, est suivie d’une exploration psychologique du monde à travers de grands masques, issus d’une expérimentation audacieuse avec des matériaux variés. Ce sont les préliminaires de ses réputées Mariées et de ses Nanas, ces femmes monumentales qui cherchent à s’emparer ironiquement du monde. Pour Saint Phalle, ce monde est dorénavant rond, courbe, ondulé : « le monde est un sein ».
Au cours du XXe siècle, plusieurs femmes artistes remarquables cherchent à exprimer un univers intime avec des sensibilités différentes, à l’instar de Pierrette Bloch (1928-2017) dont l’écriture rythmée scande des empreintes de pinceaux et du fil de crin de cheval, ou encore Pia Fries (1955) qui peint la matière comme d’autres la sculptent. Par son action de pionnière dans la pratique de la photographie, Hannah Villiger (1951-1997) a joué un rôle prépondérant dans son autonomie comme moyen d’expression artistique. Sculpteur de formation, elle se met à utiliser le Polaroïd – avec un résultat instantané de prise de vue –, en retournant l’objectif vers son propre corps qu’elle entreprend d’explorer à bout de bras. Dévoilant un regard inédit sur le corps de la femme, l’artiste le libère de celui du photographe et le soustrait ainsi au désir masculin. Le rapport au corps est également omniprésent dans l’œuvre de Miriam Cahn (1949) qui cherche à capturer une vie incandescente comme si elle radiographiait l’énergie intérieure des êtres humains ou animaux. Poète d’une formulation préverbale, Silvia Bächli (1956) dessine à main levée pour favoriser la création intuitive d’images, dévoilant une sensibilité qui oscille entre émotion et abstraction.
Alors que Renate Buser (1961) amplifie l’espace public en y installant des photographies monumentales de perspectives architecturales, Zilla Leutenegger (1968) met en scène l’intimité de sa sphère privée à travers des œuvres interactives qui mêlent dessin mural et projection vidéo.
Sylvie Fleury (1961) choisit de déployer sa créativité sans limites aucunes, aussi bien dans les techniques artistiques expérimentées que dans les sujets abordés. Son œuvre manipule les références, s’approprie les codes et les signes d’univers très variés – la société de consommation, la mode, la cosmétique, l’art, les voitures, l’ésotérisme ou encore le mysticisme – qu’elle se plaît à faire basculer dans le monde de l’art contemporain. L’audace d’expression de Sylvie Fleury et sa quête d’une féminité assumée, miroir des enjeux de notre société, ouvrent la voie à toute une jeune génération d’artistes femmes qui osent aller aujourd’hui au-delà du politiquement correct et explorer différentes formes d’art, au plus proche de ce qu’elles sont et ont envie d’exprimer.
Étoile montante de la scène artistique contemporaine depuis qu’elle a remporté le prix Marcel Duchamp en 2013, l’artiste d’origine marocaine Latifa Echakhch (1974) revisite les codes culturels et les imprègne de poésie. Son travail explore les méandres de la mémoire, cherche à capturer des traces de vie dans un rapport intime à la performance et à l’immédiateté. Née à Téhéran, élevée en Allemagne et désormais installée à Zurich, Shirana Shahbazi (1974) joue sur l'ambiguïté de la photographie, instrument capteur du réel, à produire des images abstraites à la précision maniaque. De loin ses motifs géométriques aux couleurs tranchées semblent peints sur toile, dévoilant à mesure que l’on s’approche la virtuosité du travail photographique. L’artiste genevoise Mai-Thu Perret (1976) construit un monde imaginaire qui valorise le travail collectif et la réalisation artisanale, entre autres à travers la technique de la céramique.
Les dessins au crayon de couleur de Marta Riniker-Radich (1982), empreints d’une ambiance surréaliste, nous plongent dans des univers insolites. Pamela Rosenkranz (1979) envahit l’espace de ses couleurs liquides et monochromes, tandis que Claudia Comte (1983) explore la richesse optique d’un univers géométrique.
Ces jeunes femmes sont aujourd’hui des talents à suivre que notre collection est fière de représenter.
Ceci est une sélection non-exhaustive des femmes artistes présentes dans la Collection Pictet.